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Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - Version imprimable

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Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - Marcus5 - 21-04-2020

Entrer dans l'équipe dirigeante c'est quand même tout autre chose. Effectivement il y a eu des ratés avec sa boite, mais je pense que jamais son intention n'a été d'entuber le club.

Mais il faut donner un respect éternel à ces mecs de 2000, je parle des joueurs.
Je ne comprends vraiment pas le problème avec Yann, et cette nouvelle équipe dirigeante.

Quand bien même d'ailleurs il y aurait des soucis, je vois pas comment ne pas faire passer le club avant les personnes, et quand on rend hommage à l'histoire du club un mec comme Yann est tout en haut.
Je me souviens plus, mais weis et Frigout, qui sont sur Limoges y étaient à ces 90ans?

De manière générale il y a quelques types qui sont vraiment pas tendre avec Bonat', je vois pas la raison, et ça me gène particulièrement.

Quand le maillot 8 de Murphy a été retiré, perso j'aurais aimé un double ou triple retrait:

Murphy-Young-Bonato

Pour le triplé de 2000, un truc comme en 2013 aurait été super. Quelle soirée mémorable de ce match contre le Paris Levallois.


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - sylvain87 - 21-04-2020

Fireman a écrit :Surtout que tous les clubs n'ont pas la chance d'avoir un tel historique et palmarès.


Ta phrase est réductrice.
Sans rouler les mécaniques je crois qu'il serait plus juste de marquer : AUCUN club n'a un tel historique et palmarès.
Pour une fois qu'il y a un, truc de simple et d'évident Big Grin


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - Marcus5 - 22-04-2020

En parlant d'anciens match et duels contre Pau, je suis tombé sur cette ITW sympa.

https://www.lepopulaire.fr/limoges-87000/sports/freddy-la-griffe-de-la-nuit_12242718/

Il est sympa ce Hufnagel.


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - Bada - 22-04-2020

Marcus5 a écrit :En parlant d'anciens match et duels contre Pau, je suis tombé sur cette ITW sympa.

https://www.lepopulaire.fr/limoges-87000/sports/freddy-la-griffe-de-la-nuit_12242718/

Il est sympa ce Hufnagel.
c'est clair.
Et doublé d'un mec bien, cf sa réaction après la mort de Fred Forte.
C'est évident qu'un mec comme ça on l'aurait adoré à Limoges.


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - barra brava - 22-04-2020

Tu parles du mec mis en examen pour des magouilles avec la Préfecture ? Drôle de définition d'un mec bien....


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - Bada - 22-04-2020

barra brava a écrit :Tu parles du mec mis en examen pour des magouilles avec la Préfecture ? Drôle de définition d'un mec bien....
par rapport à ce qu'il avait fait pour Forte, oui.
Le reste ne me regarde pas.


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - Fireman - 22-04-2020

https://www.youtube.com/watch?v=sKgu6lf0WtA


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - Jaco11 - 22-04-2020

barra brava a écrit :Tu parles du mec mis en examen pour des magouilles avec la Préfecture ? Drôle de définition d'un mec bien....

Toi la blanche colombe ... :lol:


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - barra brava - 23-04-2020

Jaco11 a écrit :
barra brava a écrit :Tu parles du mec mis en examen pour des magouilles avec la Préfecture ? Drôle de définition d'un mec bien....

Toi la blanche colombe ... :lol:
verte la colombe stpl ...mais jamais mis en examen pour corruption active....On a les légendes qu'on mérite Wink

https://www.lequipe.fr/Basket/Actualites/L-ancien-basketteur-freddy-hufnagel-mis-en-examen-pour-corruption-active/1115817


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - Jaco11 - 23-04-2020

barra brava a écrit :
Jaco11 a écrit :
barra brava a écrit :Tu parles du mec mis en examen pour des magouilles avec la Préfecture ? Drôle de définition d'un mec bien....

Toi la blanche colombe ... :lol:
verte la colombe stpl ...mais jamais mis en examen pour corruption active...

https://www.lequipe.fr/Basket/Actualites/L-ancien-basketteur-freddy-hufnagel-mis-en-examen-pour-corruption-active/1115817

Tu t'es jamais fait prendre ... Bravo !!! Je vais te proposer pour la prochaine "Légion d'Honneur" , des hommes comme toi on en fait plus ... :lol:


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - Syl87 - 24-04-2020

ouais enfin pour récupérer des points du permis de conduire, y a pire aussi :lol:


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - Marcus5 - 27-04-2020

https://www.youtube.com/watch?v=wdclo1CmHyw


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - hv63 - 27-04-2020

Un grand moment, les chinois et De Peretti !!


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - corsica2b - 07-05-2020

https://www.lequipe.fr/Basket/Article/L-histoire-sur-un-tas-de-pierres/1132560


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - daveboy - 07-05-2020

corsica2b a écrit :https://www.lequipe.fr/Basket/Article/L-histoire-sur-un-tas-de-pierres/1132560

tous les jours jusqu'à dimanche dans l équipe...


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - daveboy - 07-05-2020

https://www.bebasket.fr/championnat-jeep-elite/entorse-sort-un-livre-sur-le-triple-du-limoges-csp-en-2000.html

sympa mais on connait pas la dâte de livraison si on les commande maintenant. si c'est pour les avoir après la sortie du 27 mai..... comme les maillots de l'an dernier....


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - Marcus5 - 07-05-2020

Super en tous cas que l équipe en fasse une mini série. Et ce livre aussi semble prometteur


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - patgauche - 08-05-2020

Le livre semble en effet très intéressant, par contre il faut être abonné pour lire les articles !!!!!


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - Jefferson87 - 08-05-2020

patgauche a écrit :Le livre semble en effet très intéressant, par contre il faut être abonné pour lire les articles !!!!!

Ou acheter la version papier chez un marchand de journaux.
20 ans après, Ivanovic a refusé de s'exprimer sur le triplé 2000 réalisé avec le CSP. Etrange...


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - patgauche - 08-05-2020

https://france3-regions.francetvinfo.fr/vos-rendez-vous/antenne/noa?r=nouvelle-aquitaine

A ne pas louper ce soir


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - Yann87 - 09-05-2020

Jefferson87 a écrit :
patgauche a écrit :Le livre semble en effet très intéressant, par contre il faut être abonné pour lire les articles !!!!!

Ou acheter la version papier chez un marchand de journaux.
20 ans après, Ivanovic a refusé de s'exprimer sur le triplé 2000 réalisé avec le CSP. Etrange...

Ou être solidaires entre nous...


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - Yann87 - 09-05-2020

L’histoire sur un tas de pierres


Au bord de la ruine en janvier 2000, le Limoges CSP et ses joueurs vont s’attacher à vivre jour après jour, entre réductions de salaires et recherche désespérée de financeurs. Les bases d’un ciment collectif qui mènera le club à un triplé magistral. Avant la relégation en Pro B.


Il est des histoires empruntées à la légende, des gloires écrites sur des lambeaux. La vie du Limoges CSP 1999-2000 est de celles-là. «Personne n’aurait pu inventer cela», glisse aujourd’hui Yann Bonato, premier rôle et capitaine fondamental de ce roman d’une vie. Cette saison-là, ces cinq mois hors du temps entre janvier et mai 2000 racontent sûrement le plus incroyable, la plus insensée des existences d’une équipe française de sport collectif. Au bout, il y a une réussite sportive phénoménale, un triplé magique, avec la Coupe Korac, la Coupe de France et le Championnat, dans l’ordre des titres. Au bout, il y a aussi la mort du vieux roi, celui qui promenait sa silhouette altière depuis 1978 en Première Division, et sa domination pédante dans les années 1990 (cinq titres de champion entre 1988 et 1994), sans toujours marcher droit.


Cette saison-là, le Limoges CSP, cathédrale du basket français, champion d’Europe 1993, va partir en fumée, rattrapé par une vie d’excès, de malversations et de déficits, comme des abcès. La chambre régionale des comptes a ouvert la boîte de Pandore le 22 avril 1999. Pratiques frauduleuses, folie des grandeurs, l’organe désosse et met à nu. Sur la période 1991-1997, la Saems Limoges CSP est clouée. Le déficit global se monte à près de 30 millions de francs et un homme, particulièrement, est l’objet de tous les maux : Didier Rose.


Ex-joueur du CSP dans les années 1970-1980, devenu un agent de joueurs à succès et un personnage très influent à Limoges, Rose fait et défait les effectifs. Suspecté d’être « dirigeant de fait », il niera toujours cette qualification, admettant seulement avoir été « à la marge » lors des différents procès des comptes du club entre 2003 et 2008, qui le condamneront finalement à trente-six mois de prison dont dix-huit ferme et 75 000 € d’amende au pénal.


Le CSP, qui sort alors de sa plus mauvaise saison sportive depuis 1980 (7e en 1999, éliminé en quarts des play-offs) est dans la nasse. Le 26 octobre 1999, la brigade financière perquisitionne au siège du club. Le 10 janvier 2000, la machine judiciaire est lancée. En trois jours, le SRPJ entend cinq membres majeurs du CSP : Xavier Popelier, président historique ; Jean-Paul de Peretti, président en activité ; Pierre Pastaud, ex-président ; Jacques Valade, vice-président jusqu’en 1995 ; et Didier Rose, incarcéré illico le 12 janvier à la maison d’arrêt de Limoges et qui passera vingt-trois jours en prison. Dès lors, la saison bascule dans le noir. Le club ne va plus quitter son lit de mort et ses acteurs sportifs, joueurs et entraîneurs, vont lui offrir les plus sublimes funérailles.


Tous se souviennent de ces premiers jours de janvier. Quand tout s’écroule dans un fracas terrible. Chaque jour à l’entraînement, tandis que Dusko Ivanovic, le coach monténégrin, continue de dicter au bâton les deux séances quotidiennes comme si de rien n’était, l’équipe bâtit son jeu sur un amas de pierres. Dans l’équipe, les jeunes « élèves » de Didier Rose, Stéphane Dumas et Frédéric Weis, sont perdus. « Je suis un gamin de 22 ans. C’est un peu la panique. Didier Rose s’occupait de tout pour moi et, d’un seul coup, il y a des merdes et le seul mec vers qui je pouvais me tourner ne peut plus me répondre ! En plus, tu as vite des agents qui t’appellent. Les mecs sentent l’odeur du sang », se souvient le pivot limougeaud.


Le club agonise. Juste avant le match face à Évreux (16 janvier), on vient clouer le cercueil. Le président Peretti parle alors d’un déficit sur la saison en cours de 10 millions de francs. « Le jeudi soir, c’est fini. On nous convie à une réunion pour nous expliquer comment va se passer le dépôt de bilan pour le club et le chômage pour nous », raconte Yann Bonato. « J’ai le souvenir de Peretti, arrivant sur le terrain avant l’entraînement pour nous dire : “On arrête là, vous pouvez rentrer chez vous” », poursuit l’intérieur David Frigout. Mais c’est là, sur des chairs retournées, que la magie va opérer.


Face à Évreux, Beaublanc soudain se rassemble, comme à ses heures glorieuses. Ils sont 5 300 dans le vaisseau et plus rien n’a de sens. C’est un fatras d’émotions, un tapis d’ivresse couché sur un état d’urgence. Tous s’accrochent à un fil, invisible. Limoges gagne (77-69), les joueurs se rassemblent au centre du terrain comme s’ils venaient de conquérir le monde ; Fred Weis pleure comme un enfant. Dans ce désespoir sublime, une histoire légendaire est en train de s’écrire. Désormais, c’est au jour le jour. Totalement irrationnel. Les caisses sont vides, la procédure en cours. Au moment de quitter Kiev, en Ukraine, après une qualification aisée en quarts de finale de la Coupe Korac, la carte bancaire du club ne passe plus. Le président, Jean-Paul De Peretti, fait au mieux.


En place depuis 1996, il n’avait pas vraiment la vocation. L’homme a 55 ans et une belle réussite entrepreneuriale. Mais il semble dépassé par les événements, rattrapé par un démon bien plus gros que lui. Son milieu, c’est la rame, l’aviron. Alors il brasse, remue le tissu économique local qui se terre, alerte les collectivités, éternel- les piliers, qui hésitent à se mouiller un peu plus désormais. Peretti n’a pas tous les codes, mais il a le sens du devoir. « Je n’ai aucune rancune, aucun regret, résume-t-il vingt ans plus tard. J’ai démarré en étant un homme de bonne volonté. Vous mettrez sur ma tombe : “JP, un homme de bonne volonté”», clame-t-il.


Une baisse de salaire de 70 % pour Bonato et Weis


L’homme est un exalté, un bagarreur. Il gratte ici quelques millions auprès de la mairie, en met un de sa poche aussi, lance une souscription pour offrir quelques jours de vie supplémentaires au club. Mais il se sent un peu seul sur le champ de bataille. « Le bateau était presque vide, parce que tous les rats étaient partis. J’ai été Don Quichotte, du Guesclin, Ivanhoé, Robin des Bois, tout à la fois ! Mais je ne suis pas si couillon que j’en ai l’air. J’ai mis la main dans la machine et je voulais finir. Quand on m’a dit : “M. De Peretti, on sera près de vous”, là j’ai été naïf certainement…», relate-t-il aujourd’hui.


Dans le désordre, Peretti redonne de la vie. Celle qu’une bande de joueurs souffle tout le mois de janvier, dans le sillage d’un coach imperturbable et d’un capitaine exemplaire. Au-delà du terrain, « Bonat’ », hier attaquant soliste, embrasse la fonction dans ce qu’elle a de plus totale. Dans le vestiaire, on l’écoute. À ses hommes, il propose une diminution de salaire, seul pansement étanche pour aller au bout de l’aventure. Tous acceptent, même si les deux Américains, Marcus Brown et Harper Williams, ne sont finalement pas impactés, pas plus que Stéphane Dumas et Thierry Rupert, les deux plus petits salaires de l’équipe. En revanche, pour Bonato et Weis, les deux mieux payés du lot, c’est – 70 % tout de même !


« On sait de quoi il retourne, c’est un problème de fric. Alors allons-y ! On n’a pas réfléchi très longtemps, d’autant que l’on gagne », assure le vétéran du groupe, Jean-Philippe Méthélie. Derrière la déflagration du 10 janvier, Limoges enchaîne huit succès de rang en un mois (avant de tomber à Dijon le 12 février), dont un à Pau et un en quarts de finale aller de la Coupe Korac face à Ankara (71-57), qui claquent comme des actes fondateurs.


Le club se disloque, mais Ivanovic et ses hommes n’ont qu’une seule obsession : aller au bout de l’histoire. Leur histoire. « Avec Harper (Williams), on voit ce qui se passe, la ville, les fans, toute cette agitation. Mais on voit surtout nos frères dans la bagarre et on n’a pas envie de leur tourner le dos. Je n’oublierai jamais ces moments-là », se souvient Marcus Brown, l’émotion toujours à vif.


Les entraînements sont une souffrance, les soirs sont des angoisses, mais l’équipe se resserre chaque jour. Les joueurs dînent ensemble et Beaublanc redevient une terre de feu. « Tous les matches, c’est l’arène, c’est le dernier. En Coupe d’Europe, une demi-heure avant, les gens chantent la Marseillaise. Cette Marseillaise, c’était un cadeau. On s’entraînait pour vivre ça. C’est un moment pour les héros. Ça dépasse le sportif. On rentre dans un truc mystique. On était prêts à mourir », se souvient Bonato.


En finale aller de la Coupe Korac, face à Malaga, coaché par Bozidar Maljkovic, le sorcier du titre européen de 1993, le CSP tutoie le sublime. Il s’impose de 22 points (80-58) dans un soir irréel, où l’entraîneur des Andalous quittera le palais des sports sous escorte policière sitôt la fin de sa conférence de presse, pour être entendu dans le cadre de l’enquête sur la gestion passée du club limougeaud.


Au milieu des gravats, les héros avancent. À Malaga, en finale retour, passées sept premières minutes de frayeur et 13 points de retard, le CSP s’incline (60-51) mais décroche la troisième Coupe Korac de son histoire. À l’aéroport de Bellegarde, ils sont plus de 3 000 agglutinés dans le hall. Il est près de 3 heures du matin et la ville ne voulait pas s’endormir avant d’avoir embrassé ses héros.


À Paris, le 30 avril, en finale de la Coupe de France, le CSP maîtrise Paris (79-73) et empile un deuxième trophée. Ce groupe n’a plus d’avenir, chaque promesse est une pièce jetée en l’air, et pourtant il gagne, encore. « On avançait, on était une armée. Comme si tout était parfait dans l’imperfection», raconte Stéphane Dumas.


En coulisses, Peretti s’ébroue toujours. Cette fois, il a reniflé une piste asiatique, un consortium bancaire, LangTon, basé entre Hongkong et Singapour, qui promet 40 millions de francs sur trois ans en échange d’une tournée annuelle et de la formation de quelques joueurs nippons. C’est nébuleux, miraculeux. « La piste asiatique a existé, confirme-t-il aujourd’hui. Je suis allé à Saint-Julien, à côté de Genève, avec mon directeur financier (Xavier Bonnafy), qui n’est pas un imbécile. On a rencontré un porte-parole. On a eu un autre rendez-vous ensuite à Paris. L’argent devait arriver, on avait même reçu quelques jours plus tard un papier nous indiquant que l’argent était en séquestre chez un notaire. » Mais l’argent ne sera jamais versé…


Entre-temps, Limoges s’offrira une dernière couronne, une mort en apothéose. Un neuvième titre de champion de France, sur le parquet de l’Asvel, lors du match d’appui, le 27 mai 2000 (66-78). Un troisième trophée pour parapher une saison inqualifiable. Avant que le club ne soit recouvert de terre et relégué, un mois plus tard, en Pro B. Le plus fort dans tout cela, c’est que le club va se relever. Se noyer encore en 2004, puis ressusciter, pour remporter deux nouveaux titres nationaux (2014 et 2015) ! Comme si une vie ne suffisait pas au CSP.Vingt ans plus tard, les héros n’ont jamais vraiment quitté le bord de la route. « C’est la saison la plus invraisemblable de ma carrière. C’est un truc que tu souhaites à tout le monde de vivre. Après cette saison, j’ai cherché perpétuellement cela sans jamais le retrouver », confesse joliment Fred Weis. Pour Marcus Brown, cette histoire, ce roman de bravoure, méritait une autre fin. «Cette équipe a été privée d’un grand destin… »


Limoges CSP 1999-2000


Président : Jean-Paul De Peretti.


Entraîneur : Dusko Ivanovic (MTN).


L’équipe
4. Stéphane Dumas
5. Marcus Brown (USA)
6. Bruno Hamm
8. Yann Bonato
9. Stjepan Stazic (AUT)
10. Zaka Alao
11. Jean-Philippe Méthélie
12. Thierry Rupert
13. Harper Williams (USA)
14. David Frigout
15. Frédéric Weis
16. Frédéric Adjiwanou


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - Yann87 - 09-05-2020

Ivanovic, l’emprise et la maîtrise


Entraîneur du Limoges CSP 1999-2000, le coach monténégrin a marqué le club de son empreinte. Intransigeant, obsédé par le travail et le jeu, Dusko Ivanovic a tenu son groupe d’une main de fer et offert trois titres au club, quand l’édifice tombait chaque jour un peu plus en morceaux.


Il n’a pas tremblé, pas vacillé ni même esquissé le moindre geste. Autour de lui, les murs se fendent, le club s’effondre. Le siège social est un repaire de miséreux qui mendient le sou, qui raclent les tiroirs pour «nourrir la bête» un ou deux jours de plus en espérant un miracle. Le Limoges CSP traîne à terre ses flancs meurtris et sue à grosses gouttes ses gloires passées et ses délits cachés. Depuis le 10 janvier 2000, la saison n’a plus vraiment de sens. Chaque jour est une fin de vie et on tend l’oreille, par réflexe, dans la crainte d’entendre sonner l’hallali. Pourtant, un homme reste fixe. Campé. Inébranlable. Dusko Ivanovic a 42 ans. Il est un jeune coach qui a fait ses premières classes sur un banc suisse, à Fribourg. Ainsi présenté, ça ne claque pas au nez. Mais il est surtout le fils spirituel d’un certain Bozidar Maljkovic, l’enchanteur serbe qui a porté aux nues européennes le CSP un 15 avril 1993, offrant au sport collectif français son premier titre de champion d’Europe. La descendance a du grain. Le joueur Ivanovic en a récolté de beaux fruits, remportant, en tant qu’arrière du grand Split, deux titres européens majeurs en 1989 et 1990.


Quand il arrive en Limousin, à l’été 1999, le Monténégrin au regard d’acier sait déjà où il va. Limoges, il connaît même un peu, puisqu’il y joua, toujours sous les ordres de Maljkovic, cinq matches à la sauvette en début d’exercice 1992-1993, en tant que joker médical de Jurij Zdovc. Un passage éclair mais remarqué, à plus de 14 points de moyenne. Ceci est pour l’anecdote. Le fond de l’affaire est ailleurs, plus profond, dans une posture austère, une exigence froide, des convictions incassables, où il semble avoir scellé le trésor. Aux premiers temps, cela va désarçonner le groupe et lever les boucliers de l’inimitié. « Physiquement, la préparation est très dure. À Font-Romeu, on va faire le footing à 6 heures du matin, sans petit déjeuner. On est tous très surpris. On pense qu’il est complètement barjot ! Il nous dit : “Ma porte est ouverte”, mais en fait, elle est fermée. Il est intraitable. On souffre beaucoup au début », raconte Jean-Philippe Méthélie.


De par son statut de capitaine, Yann Bonato est au parfum. Il doit adhérer, relayer, ne pas broncher. « La relation avec Ivanovic est très professionnelle, très respectueuse. C’est un jeune coach, qui n’a pas encore le recul par rapport à la quantité. Physiquement, je trouve cela exagéré. Mais je sais pourquoi. C’est mon troisième ou quatrième coach “yougo”. Je sais ce qu’il attend de moi. Dès le début de saison, il me parle d’exemplarité. C’est très pro », se souvient Bonato. Très vite, Dusko Ivanovic attire les foudres et concentre la fronde en sourdine de la quasi-totalité de l’équipe. Mais il n’en a que faire. L’emprise est presque totale, sans concession. Le coach a les codes. Il s’y tient. Dans l’avion, il somnole le buste droit, les bras croisés. Ce n’est pas un simulacre, c’est une partition. Quand le club implose, il n’y a qu’un endroit où la déflagration n’est pas entendue, où l’on souffle la vie, c’est au palais des sports de Beaublanc. Là-bas, chaque samedi on joue les pièces mises en scène par Dusko Ivanovic. Pour tous, cette saison est d’abord une incroyable aventure humaine, une quête d’absolu dans un lacis de sentiments contraires. C’est précisément ce qui va tendre et forger la relation entre le coach et ses joueurs tout au long de l’année et, plus radicalement encore, à partir de janvier quand, autour de l’équipe, c’est la débandade. L’avenir est en lambeaux, le SRPJ cogne aux portes et pourtant, dans l’intimité d’un vestiaire où l’on vitupère sans cesse contre un entraîneur tortionnaire, l’équipe est en train de se fabriquer un destin. Au cœur de la tempête, elle gagne huit matches d’affilée entre la mi-janvier et la mi-février, accepte une baisse de salaires drastique et les joueurs se soudent les uns aux autres.


Ivanovic, lui, ne cède rien, ne concède rien. À Kiev, malgré un succès de plus de 20 points et une qualification en quarts de finale de la Korac, il fait lever ses hommes à 7 heures du mat’, pour deux heures d’entraînement avant de décoller ! «Je me souviens, on a travaillé la défense de zone, se marre Stéphane Dumas aujourd’hui. On l’insultait à tue-tête, on en avait marre de s’entraîner sans salaire quasiment. Lui disait que ne pas être payé n’était pas une excuse pour ne pas s’entraîner. » Au tour suivant, au retour d’Ankara, après un réveil à 4 heures du matin et plus de neuf heures de trajet, Ivanovic ne lâche pas ses hommes sur le tarmac et emmène illico sa troupe pour deux heures d’entraînement à Beaublanc. Sans un mot ou presque.


« On l’appelait le requin ! Il avait une tête impassible, jamais un sourire. Dans le vestiaire, pour nous rassurer, “Jean-Phi” (Méthélie) nous disait : “Il ne peut pas nous tuer les gars, il ne peut pas nous tuer !” Chaque fois qu’on mettait le cul sur le terrain, on savait qu’on allait en chier. Et quand on croyait que c’était fini, c’était son poisson-pilote (l’assistant Drasko Prodanovic) qui prenait le relais : “Allez encore cinq minutes, petits, cinq minutes !” C’était les minutes yougoslaves, ça durait une demi-heure, c’était du physique, des sauts, des montées de gradins, tu avais juste envie de l’insulter », raconte David Frigout. L’histoire sera rude et chahutée avec Marcus Brown. L’arrière star du CSP, qui s’est rompu les ligaments croisés du genou une grosse année auparavant, est ici en réhabilitation. En quête de jeu, pas pour martyriser son corps. Les deux hommes s’opposent verbalement, fréquemment. Vingt ans plus tard, Marcus Brown ne nourrit aucune rancœur. Même s’il n’a pas tout compris, il ne retient que la grande histoire. « Son job était de coacher, mon job était de jouer. Il pensait d’une certaine manière, je pensais d’une autre. On venait de deux mondes différents, mais le basket est universel. Tu n’as pas besoin de parler le même langage pour comprendre le travail qui doit être fait. Et on a fait le travail », résume aujourd’hui l’entraîneur de West Memphis (HS), son ancien lycée.


La relation est sur un fil. Ce sont des funambules. Fin mars, à Malaga, quand le CSP remporte la Coupe Korac, validant ainsi le travail enduré jusqu’ici, il y a dans les gestes de joie et les éclats de bouteille d’eau le désir, à peine voilé, de se défouler, d’évacuer. La cible choisie naturellement est le coach. « On a tous pris une bouteille d’eau, on a défoncé Dusko comme des cons ! On l’a aspergé avec tout ce qui nous passait sous la main. Mais il y avait des jets d’eau qui partaient un peu violemment» , concède Frigout. « C’est sans doute un peu mesquin, quand on lui jette les bouteilles dans le vestiaire, mais c’est tout ce que l’on peut faire. Il a été très dur…», résume Méthélie. Sur le moment, il y a un sentiment en lisière de la haine. D’autant qu’à chaque retour de déplacement, Ivanovic, l’homme qui, avec ses joueurs, ne termine jamais ses phrases par un sourire, embrasse comme du bon pain sa femme venue le « cueillir » à l’aéroport de Bellegarde à Limoges. « Il l’enlace, il lui roule une putain de pelle, un truc de malade ! On était sur le cul. Ce n’est pas le gars qu’on connaît, qui vient de te laminer pendant des mois, dans tous les sens. C’est surréaliste ! », conte Frigout. « Ce qu’il ne nous donnait pas à nous, il le donnait à sa famille. Un robot sur le terrain, de la guimauve dans la vie», confirme Fred Weis.


Mais dans ce rapport de force entretenu, accepté il y a, en creux, une réelle forme de clairvoyance de part et d’autre. Quand Ivanovic martèle, il y a vingt ans : « C’est obligatoire de s’entraîner dur. Si on ne s’entraîne pas dur, on n’est pas prêts, on ne peut pas jouer.» Vingt ans après, les joueurs confessent unanimement que c’est bien ce bonhomme aux contours rudes qui les a portés là-haut. Dans l’opposition et la grogne, il leur a forgé un mental, comme le reconnaît Fred Weis aujourd’hui : « Dusko Ivanovic a été exceptionnel. On avait besoin d’un guide et lui nous a tellement verrouillés que finalement on jouait au basket, on était des machines. C’était bon pour nous, de le détester. Sans cela nous n’aurions pas pu avancer. S’il avait fait autrement, s’il n’avait été que dans le ressenti et l’affectif, on aurait explosé en vol. Je remercie Dusko Ivanovic d’avoir été comme ça. Avec le recul, je me dis qu’il a eu mille fois raison. Sur le coup, t’es pas payé, t’es stressé, ça ne va pas, tu as besoin d’une tête de Turc : le coach ! Le coach, c’est un connard, il nous fait trop travailler. En réalité, il était surtout notre moteur. Merci Dusko, je ne sais même pas comment lui dire… »


Et puis, techniquement, tactiquement, le bonhomme est un pointu, un expert. Si Limoges ne présente pas un jeu chatoyant, en revanche tout est pensé, étudié. « Le jeu était très simple, la hiérarchie parfaitement définie. Chacun respectait son rôle », résume Stéphane Dumas. Seul joueur, avant cette saison irréelle, à avoir gagné des titres, Jean-Philippe Méthélie admet que les succès du CSP, cette année-là, ont été bâtis en grande partie par son entraîneur : «On sait tous ce qu’on lui doit et on lui doit beaucoup. Il était tellement pointu dans son truc. Un tel niveau de perfection sur chaque joueur, je n’ai jamais vu ça, ni avant ni après dans ma carrière.» Pour Yann Bonato, Dusko Ivanovic était de la grande école « yougoslave ». Il avait la fibre. « Ce n’est pas un basket flamboyant, c’est un basket “yougo”, un basket de stratégie, qui te prépare pour les grands matches. Tout ce qu’il nous demande, au sens tactique, est d’une précision, d’une intelligence. Dès qu’il nous parle de jeu, j’ai un immense respect », avoue le capitaine limougeaud, qui devra attendre le dernier match de la saison, celui du sacre de champion à Villeurbanne, pour que son coach le prenne enfin dans ses bras, à quarante secondes de la fin.


Dusko Ivanovic connaîtra d’autres succès ensuite. À Vitoria notamment, où il disputera deux finales d’Euroligue (2001, 2005) et remportera deux titres de champion d’Espagne (2002, 2010). Mais, vingt ans plus tard, l’aventure limougeaude cogne toujours comme une émotion vive, un peu troublée d’ailleurs. Ivanovic a visiblement souffert de cette image froide dans laquelle il fut souvent dépeint. C’est par écrit qu’il s’est un peu livré, préférant ne pas trop en parler. « Le CSP Limoges a réussi un des plus gros exploits dans l’histoire du basket, et même dans le monde du sport en général. C’est une histoire de réussite sportive, mais aussi d’abnégation, de noblesse, de force mentale et physique, de moral, mais aussi de sacrifice sportif. En bref, c’est une histoire de culmination tant sur le plan sportif que le plan humain. Je porterai toujours le CSP Limoges, la ville de Limoges et les gens que j’ai côtoyés dans mon coeur. Après tant d’années, tous les acteurs et les spectateurs ont évidemment leur propre vision de cette histoire, car elle a été vécue à travers des points de vue très différents. Ceci dit, je suis sûr que toutes ces histoires, quelles qu’elles soient, sont toutes belles », écrit-il. La sienne l’est donc aussi...


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - Yann87 - 09-05-2020

Bonato, la flamme d’une vie


Talent majeur et capitaine fondamental de l’épopée du CSP en 2000, l’ailier s’est totalement révélé à lui-même cette saison-là. En pleine tempête, l’attaquant soliste s’est mué en un meneur d’hommes exemplaire, engagé et altruiste, portant la vie, les angoisses et les rêves du vestiaire et de tout le peuple limougeaud.


Vingt ans ont passé, mais il cherche toujours. Avec un certain délice, une réelle fierté aussi. L’aventure 1999-2000 du Limoges CSP, pour Yann Bonato, c’est la flamme d’une vie. C’est, dans sa plus majestueuse expression, au plus profond de son être, ce pourquoi il était véritablement fait, ce pourquoi il était là finalement, sur ces planches de bois, qu’il battait autrefois d’un pas de soliste effronté, sans but précis, sans trop savoir où cela allait l’emmener.


Cette année-là, dès lors que la vie du club a basculé, que les façades de la cathédrale se sont fissurées, le capitaine est resté digne et debout. Il s’est élevé, dans un regard féroce, une posture nouvelle. D’un doigt tendu, il a montré le chemin et tous ont suivi. Son altruisme, comme une offrande soudaine, a embrasé le vestiaire, Beaublanc, les villes et les campagnes alentour. Sans jamais se départir de son côté révolutionnaire, le bras levé, dépoitraillé et les jambes en travers, fonçant jusqu’au dernier souffle sur les barricades adverses, Bonato a donné à sa carrière et à sa vie d’homme une dimension unique, humaine, presque mystique, qu’il n’avait sans doute jamais effleurée auparavant.


Son jeune partenaire à l’époque de ces hauts faits, Stéphane Dumas, pose un temps de silence et dit aujourd’hui, comme on signe un livre d’or : « Le club, pour moi, c’était Yann ». Ces derniers jours, Bonato a creusé. Pour déterrer les raisons profondes, les racines qui l’ont fait ainsi en 2000. Une introspection, pour une révélation, vingt ans après. « Je n’aime pas trop gratter mon cerveau qui est un petit peu fragile », sourit-il. « Mais d’après moi, objectivement, le changement se fait à l’étranger. Limoges oui, mais si on parle de changement, de prise de conscience, de maturation, c’est à l’étranger. » En Italie, précisément. À Pesaro en 1997-1998, puis à Reggio Emilia la saison suivante. Là-bas, lui l’attaquant qui faisait danser les défenseurs du Championnat de France sous le maillot du PSG et de Limoges première version, à plus de vingt points de moyenne, les quatre années précédentes, se retrouve à l’isolement. À Pesaro notamment, l’histoire est assez violente. Bonato passe même tout près d’un drame, au retour d’un déplacement à Rimini. « On a pris une trempe, on rentre en car. On se retrouve les trois étrangers au fond, Troy Truvillion, Andrés Guibert et moi », raconte l’ailier français. « À l’arrivée, il y a une centaine de supporters “très en forme” qui nous attendent. On se retrouve comme dans les mauvais films de série B, dos à dos avec ces personnes avinées qui veulent nous punir ! Alors, pour échapper à ce guet-apens, Guibert sort un énorme couteau et le met sous la gorge d’un supporter ! On repart en voiture en tremblant et je me dis : ce n’est pas possible, ce n’est pas ce que je veux faire. Tu es un peu seul au monde, enfermé en dehors de chez toi. Je commence à me poser des questions, notamment des questions sur le sens que j’ai envie de donner à ma carrière. Et je me rends compte que là, ça n’a plus de sens. Est-ce que je reste le bon petit mercenaire des familles ou est-ce que je construis quelque chose ? »


Reste à trouver la planche de salut, le terrain d’expression. C’est Didier Rose qui va lui offrir, dans des circonstances croustillantes, mais finalement tellement « limougeaudes ». L’influent personnage au CSP est en effet l’ex-agent de Bonato, avec lequel le joueur est à l’époque en procès. Alors quand Rose le hèle, l’international français se rend en Limousin pour déblayer, pense-t-il, l’affaire judiciaire. «La rencontre est surréaliste. Il me propose de revenir à Limoges, me parle de reconstruire, de ci et de ça. C’est la quatrième dimension. Je pensais que c’était pour la procédure ! Je lui donne mes conditions : un contrat à long terme, car j’ai envie d’engagement, et être le capitaine du bateau. Je rentre à la maison, j’en parle à Lise (sa femme) et je me dis que c’est dans la démarche, que cette équipe à reconstruire peut, naturellement, devenir mon équipe. Je dis banco. Je suis dans mes baskets, dans mon choix. Je rentre à Limoges pour donner du sens. »


Il va faire bien plus que cela. Sur les ruines d’un club, dans l’intimité d’un vestiaire tourmenté qui se raccroche à ses mots, il va édifier une forteresse. Dusko Ivanovic, le coach, en est le gardien technique, Bonato en est l’âme, le symbole, le porte-parole. Plus les jours rapetissent, plus l’espoir s’égrène, plus il occupe la place. Après un déplacement à Antibes fin janvier, le club semble pousser son dernier râle. Le président, Jean-Paul De Peretti, n’y parvient plus et jette l’éponge. Sur le parking, dans sa voiture, Bonato, qui a claqué 26 points sur la Côte d’Azur la veille, passe une heure à le convaincre de se battre encore. Ses journées n’ont plus de fin. Il est le premier à l’entraînement, lui le Cannois qui se baladait torse nu sous sa salopette à vingt piges et qui n’était pas le plus acharné au travail avec Antibes. Un jour, l’Américain Marcus Brown, laminé par les entraînements d’Ivanovic, le genou gonflé, claque la porte en plein milieu d’une séance. Le coach s’insurge : « Marcus a trahi le groupe, il ne reviendra pas », assène-t-il. Bonato le fixe et menace : «Si Marcus ne revient pas, le groupe s’arrête là. »


Il est le lien, le relais médiatique, le psy, le remède, le fil de l’espoir. « J’aurais été incapable de faire ce qu’il a fait. Dépenser une telle énergie sur et en dehors du terrain. On sortait tous rincés des entraînements et lui repartait au téléphone, pour faire avancer les choses. La dépense d’énergie, le cerveau, l’aptitude qu’il fallait avoir, ce n’est pas donné à tout le monde », relate son ex-partenaire David Frigout aujourd’hui. « Yann a été capable de nous faire traverser le pont. Il a fait le trait d’union. Pour moi, il a joué le rôle de capitaine dans sa plus grande expression. Ce n’est pas facile. On a tous en nous une part d’égoïsme, pour être le gars qui va faire la différence. C’est normal. Être capitaine, ce n’est pas un job facile, ça ne te rend pas populaire. Tu dois trancher, tu ne vas pas te faire aimer de tout le monde. Yann, cette année-là, a tenu ce rôle à la perfection », exprime Marcus Brown.


Bonato ne subit rien. Au contraire, il s’abreuve. « J’endosse ce rôle qui me nourrit», avoue-t-il maintenant. Sans arrière-pensées, pour protéger sa « tribu » et lui offrir la plus belle des aventures. Partout, les mots se chevauchent pour lui élever une statue. « Bonat’ » est un homme de la ville, qui aime prendre son café matinal sur les petites places du centre-ville de Limoges. Là, une vieille dame verse une larme et le prend dans ses bras, une autre lui offre une bouteille de vin, un pâté maison… Le vilain petit canard, comme il se définissait jadis, a quitté la mare. Bonato pense à ses hommes. Il ne bâtit plus sur du sable mais sur de folles idées. À l’image de cette proposition de réduction de salaire qu’il envoie, un jour d’hiver et de grosse tempête, à la face de ses partenaires dans le secret du vestiaire de Beaublanc. « Quand ça part en sucette, je me dis merde… On part dans l’irrationnel, la fête est finie. À ce jour, je ne sais toujours pas pourquoi j’ai cette idée. Objectivement, c’est un peu n’importe quoi ! C’est totalement déraisonnable. Mais je crois que c’est de l’amour. Et en amour, tu ne fais pas toujours que des choses raisonnables», estime-t-il aujourd’hui.


Le vestiaire adhère, le groupe suit et ferme les yeux sur les mensonges de son capitaine. Car tous savent que Bonato leur cache des choses, pour la bonne cause. « Yann, c’est notre leader. C’est notrecommandant, notre capitaine, celui qu’on suit. Il y a de la manipulation, Yann nous a manipulés. On n’est pas dupes, mais on ne veut pas tout savoir. Il y a une confiance aveugle », raconte joliment, Jean-Philippe Méthélie, subjugué par la transformation d’un garçon sur lequel il a défendu par le passé et qu’il ne reconnaît pas. « Yann au départ, c’est un mec individualiste. Quand on le voit au début de sa carrière, on ne le soupçonne pas comme ça. Un gars comme (Laurent) Sciarra, meneur de jeu, il était plus typé pour ça. J’ai défendu sur lui quand il jouait à Paris. Le type, il voulait toutes les balles ! Là, il est dans l’abnégation et le don de soi, on ne peut pas faire mieux. »


Son jeune équipier, Frédéric Weis, n’est pourtant pas étonné par la dimension collective de Bonato cette année-là. Il l’a côtoyé lors de son premier passage au CSP (1995-1997) et le pivot français avait décelé les bons germes. « Je ne suis pas surpris par l’attitude de Bonat’. Ma première année à Limoges, c’est lui qui m’emmenait tous les matins à l’entraînement et me posait le soir devant chez moi. Il a toujours été altruiste. En 2000, je l’ai suivi très facilement car je savais “qu’il ne me ferait pas de mal” », glisse Weis, dans un sourire.


Bonato va emmener les siens au bout, vers un triplé magique, lui qui n’avait encore jamais décroché un seul titre collectif ! Dans un dernier acte presque symbolique, lui l’attaquant né va s’arracher comme un damné en défense sur Jay Larranaga, le shooteur de l’Asvel, lors du match d’appui qui sacre le CSP champion de France le 27 mai (66-78). La bouche ouverte, il cherche l’air, il n’en a plus. « À la fin, il avait des plaques d’hématomes qui sortaient sur ses jambes, comme ça, sans raison particulière, sans qu’il n’ait reçu de coups», se souvient Frigout. Le joueur est vidé, mais l’homme est riche désormais. Lors de la présentation des deux équipes de France, peu de temps après dans un vaste auditorium, l’assemblée se lève et l’ovationne. « Je me souviens, je ne suis pas bien. On vient de nous sanctionner (le club a été rétrogradé en Pro B) et ces mêmes gens m’applaudissent. Tu sentais que l’on avait fait un truc et j’en étais le symbole », dit-il.


Quelques mois plus tard, en quarts de finale des JO de Sydney face au Canada, le corps de Bonato va céder. Il se rompt le tendon d’Achille pour avoir tant donné. À l’Asvel, en 2002, il sera à nouveau champion de France. Mais la suite n’a plus rien à voir. « Ce titre avec l’Asvel, c’est le devoir accompli », résume-t-il, en une phrase, sans autre émotion. Limoges, en revanche, c’est tous les jours, à chaque instant.


Bonato y vit, il est chef d’entreprise, à la tête de dix-sept salariés et de trois magasins franchisés Alain Afflelou. « Vivre, incarner une idée, un club, c’est incomparable. C’est la bascule dans ma carrière, ma vie », confesse-t-il. 2000 est la flamme d’une vie, elle ne s’éteindra jamais…


Mars 2000- mars 2020 - 20 ans de la Korac - Fireman - 09-05-2020

Merci d'avoir mis ça disponible. J espère que les dirigeants actuels feront quelque chose pour célébrer cette équipe quand la situation le permettra. Et pas dans 20 ans...